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lundi 25 septembre 2017

Anton TCHEKHOV « Drame de chasse »


Drame de chasse - Anton Tchekhov - Les élucubrations de Fleur

Nombreuses sont les raisons qui m’ont amené à lire ce roman : mon intérêt pour TCHEKHOV bien sûr, la traduction assurée de main de maître par André MARKOWICZ (l’incontournable traducteur des œuvres de DOSTOIEVSKI, ici épaulé par Françoise MORVAN, résultat époustouflant !), le fait que ce « Drame de chasse » soit le seul vrai roman de TCHEKHOV (il a écrit d’autres ouvrages pouvant être considérés comme des romans, mais bien moins longs, le format les rapprochant plus de longues nouvelles). D’autre part, ce livre n’avait plus été traduit en français depuis 1930, date à laquelle il était sorti avec une traduction partielle, le traducteur ayant estimé qu’il valait mieux résumer une longue histoire qui pourrait paraître ennuyeuse, on n’est pas plus mufle. Ici c’est la traduction parue en 2001 chez ACTES SUD. Il est d’autre part à noter que dans la première parution des œuvres complètes de TCHEKHOV il n’y apparaît même pas, un comble ! Ce qui m’a interpellé est aussi le genre de ce roman, annoncé comme un polar !!! TCHEKHOV enquêteur, voilà qui n’allait pas manquer de piment, d’autant qu’il s’agit presque là d’une oeuvre de jeunesse puisqu’il n’a que 25 ans lorsqu’il l’écrit. La trame : un certain Kamichov, juge d’instruction, rend visite au rédacteur d’un journal, par ailleurs narrateur du début du bouquin, afin de lui proposer un roman qu’il vient d’écrire, une histoire tragique et vécue qu’il aimerait voir publiée en feuilleton, comme cela se faisait beaucoup à l’époque. C’est ce roman que le narrateur décide de porter aux yeux de nous, lecteurs. Ici, Kamichov devient narrateur, puisque lui-même témoin de ce fait divers, nous avons donc un roman dans le roman, une sorte de poupée gigogne littéraire. Il change cependant son nom en Zinoviev dans le récit. Zinoviev retrouve son ami le conte Pszechocki, ivrogne invétéré qui boit de la vodka comme on se désaltère d’un grand verre d’eau glacée en pleine canicule. Ensemble, ils vont partir en bordée, se saouler à en rendre tripes. Ils sont tous deux amoureux de la même femme, Olga, qui va pourtant se marier avec une vieille connaissance, Ourbénine, vieillard sans épaisseur, pour se mettre à l’abri du besoin, elle n’en est pas amoureuse mais semble en revanche très attirée par Zinoviev s’en rendant trop tard compte le jour même de son mariage, durant lequel la plupart des convives sont ivres, dont Zinoviev. C’est en pleine noce qu’Olga va être assassinée dans la forêt. Ce roman d’une structure assez complexe se lit pourtant très bien : son humour, son cynisme sont une force supplémentaire dans l’écriture. Il est vu comme un polar. Cela manque de sens, il est beaucoup plus que cela : un vrai roman russe du XIXème siècle (achevé en 1885) avec des personnages formidablement échafaudés, ses lâches, ses hypocrites, ses soiffards. Derrière la légère bluette en apparence, c’est bien la Russie tsariste en fin de course que TCHEKHOV dépeint. On rit pourtant beaucoup, souvent franchement et parfois jaune. De plus, la vraie intrigue n’advient que vers la fin du livre, où là il se transforme effectivement en polar et le ton change. Mais la toute fin, parlons-en sans rien dévoiler de suspect ! Kamichov va de nouveau rendre visite au rédacteur du journal pour lui demander son avis sur le roman. Le rédacteur, à nouveau narrateur, prend Kamichov à contre-pieds : ce dernier ayant assuré qu’il s’agit d’une histoire vraie, le rédacteur rétorque que dans le récit le nom du meurtrier n’est pas le bon ! Par certains côtés, notamment lorsque l’on s’approche du dénouement, ce « Drame de chasse » m’a fait penser lointainement à « Crime et châtiment » de DOSTOIEVSKI (qui reste pour moi le plus grand chef d’œuvre de la littérature), le rédacteur ressemble au juge Porphyre de DOSTOIEVSKI. Et l’on en vient à regretter douloureusement que le grand TCHEKHOV n’ait pas écrit d’autres romans. Il se vengera sur les très nombreuses nouvelles qu’il écrira et sur sa carrière foisonnante d’écrivain de pièces de théâtre. Mais ce « Drame de chasse » me paraît tout à fait indispensable pour tout lecteur de littérature russe du XIXème siècle, aussi parce que les thèmes chers à TCHEKHOV sont bien présents dans ce magistral roman.


(Warren Bismuth)

lundi 18 septembre 2017

Jim HARRISON « Dalva »



Dalva paraît être une de ces quarantenaires libérées comme certaines décennies en ont pondu (nous sommes ici dans les années 1980), et pour meubler ses journées elle travaille dans le social et collectionne les amants en Californie. En fait, elle traîne une longue histoire émaillée de drames derrière elle : son père mort en Corée alors qu’elle n’avait que 9 ans, son grand-père (le père de substitution) lorsqu’elle en avait 17, son petit ami Duane évaporé dans la nature alors qu’à 15 ans elle était enceinte d’un enfant qu’elle abandonne par ailleurs dès son accouchement. Je vois que vos zygomatiques se mettent en ordre de marche. La mère de Dalva, Naomi, est une indienne, ce qui va mener le lecteur jusque dans les archives d’un certain Northridge, arrière grand-père de Dalva, et témoin de pas mal d’atrocités commises par les blancs sur les indiens, les Sioux notamment, au XIXème siècle. Ce roman va nous mener au Nebraska, où se déroule la majeure partie de l’action. Jim HARRISON va nous faire patiemment remonter la généalogie de la famille de Dalva, notamment grâce à son petit ami Michael qui a entrepris de la raconter après avoir exhumer des malles pleines d’écrits des ancêtres. Tour à tour, Michael et Dalva seront les narrateurs de ce roman historique. Mais là où ça se corse, c’est qu’il y a aussi les écrits retrouvés de Northridge, des lettres écrites par d’autres personnages du livre, également mises à la connaissance du lecteur, les va-et-vient incessants entre passé et présent donnent un peu le tournis, et les nombreux supports racontant cette épopée (dialogues, souvenirs, narrations, lettres, écrits, témoignages) peuvent perdre un lecteur peu assidu. La trame me rappelle en partie cette trilogie labyrinthique de John DOS PASSOS « U.S.A. » où l’on finissait par ne plus très bien savoir où l’on mettait les pieds. C’est ce que j’ai ressenti dans ce livre, mais attention, c’est ma seule faute : motivé par un Jim HARRISON – celui considéré par ailleurs comme son œuvre majeure -, je n’ai pas vu partir le coup et je me suis mis à l’ouvrage de manière peu concentrée, et en fin de compte le sentiment comme il nous arrive parfois d’être un peu passé à côté de ce que le livre voulait me raconter. De plus, contrairement aux autres livres d’HARRISON que j’ai lus, et malgré les critiques pourtant élogieuses sur le point suivant, je n’ai personnellement pas trouvé les personnages attachants, pas assez poussés, creusés. En revanche, les écrits retrouvés de Northridge sont d’un intérêt historique certain, et comme ils tendent à se renouveler de plus en plus rapidement au fil du roman, ils m’ont fait avancer car ils sont passionnants et implacables. Passionnants sont aussi quelques rites indiens exposés çà et là. Attention, je ne suis pas en train d’écrire que le reste du livre ne mérite pas que l’on s’y penche. Au contraire, je crois qu’il est très réussi, mais qu’il faut l’entamer avec à l’esprit qu’il s’agit d’un roman ambitieux, avec de nombreuses portes qui s’ouvrent et se referment, et qu’il ne se lit peut-être pas exactement de la même manière qu’un autre HARRISON. D’ailleurs, l’humour est ici bien moins présent que dans d’autres de ses œuvres, c’est aussi ce qui peut décontenancer. Jim HARRISON avait vu encore plus grand, puisque de très nombreuses notes prises pendant l’écriture  de « Dalva » n’ont pu ici trouver leur place. Ce sera chose faite juste dix années après la sortie de « Dalva » avec une suite en 1998 : « La route du retour ». Nous y reviendrons sans doute, avec certainement plus d’assiduité. Entre ses deux dates, HARRISON aura écrit plusieurs recueils de novelas (courts romans ou longues nouvelles, c’est selon) mais aucun vrai roman.


(Warren Bismuth)

mercredi 13 septembre 2017

Bruno CADÈNE, Xavier BÉTAUCOURT & Éric CARTIER« One two three four Ramones»


La BD De La Semaine : « One, Two, Three, Four, Ramones ...

La très chaotique carrière des RAMONES enfin disponible en bande dessinée (en version crayon à papier, ce qui nous ramène (sans jeu de mots) plus aisément à cette période des 70’s) ! RAMONES c’est ce groupe de New-York considéré comme l’inventeur du punk-rock (dès 1974) avec ce premier album sorti en 1976, soit avant la vague anglaise. Les vagues, il va d’ailleurs en être question dans cette BD, des vagues très écumantes faites par les membres des RAMONES : défonce en permanence, toute la dope, toutes les dopes sont bonnes à prendre, jusqu’à friser le pathétique. Et puis il y a l’alcool, et ces tournées interminables. Les scénaristes ont tout d’abord décidé de suivre plus particulièrement le parcours de Dee–Dee RAMONE, depuis son enfance (sur près de la moitié de la BD) jusqu’au premier concert des RAMONES en 1974. Puis ils vont se focaliser sur le groupe, des authentiques détraqués à la sauce new yorkaise. Derrière la musique, les albums (parfois ratés), l’immense notoriété, on va aller prendre des nouvelles des membres du groupe, junkies invétérés, ivrognes, certains schizophrènes ou bipolaires, un sacré tableau de gueules cassées et défoncées (à la came bien sûr). La carrière des RAMONES n’est pas précisément une promenade de santé ni un havre de paix : bastons, disputes, qui vont mener certains membres à ne plus s’adresser la parole, ce qui peut vite paraître anxiogène quand un groupe tourne dans un van, avec la promiscuité quotidienne, les pétages de plombs à répétition, les batteurs qui se barrent, sont remplacés, parfois à l’arrache, reviennent, les petites amies échangées. Cette BD est un résumé éclectique (et bien sûr électrique) mais éclairant sur ce groupe de véritables losers qui aura mené jusqu’à épuisement une carrière de 1974 à 1996, tournant partout, ne parvenant jamais à se défaire de ses démons d’addictions. Une BD qui aurait pu être sous-titrée « 4 garçons dans le vin », même si c’est surtout le whisky qu’ils biberonnaient entre 2 piquouzes et un paquet de clopes. Fin de l’aventure lors d’un concert mémorable en 1996. La suite est brève : 3 membres originaux morts entre 2001 et 2004, le 4ème en 2014. En fin d’ouvrage, un dossier bien fichu explique certaines pages de la BD en rajoutant des anecdotes quelque peu croustillantes. Même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque, je ne vais pas vous dévoiler tous ces bouts de vies racontés dans ces pages, l’effet de surprise devant rester entier. N’étant pourtant pas un grand fan des RAMONES, j’avoue que cette BD m’a beaucoup plu, peut-être plus pour l’aspect des racines du punk, des racines morcelées, effritées, avec quelques autres références musicales venant agrémenter les propos. Les RAMONES représentent bien à eux seuls ce slogan en verve depuis si longtemps « Sex drug and rock’n’roll ». Jusqu’à la mort… BD sortie en 2017 chez FUTUROPOLIS.
http://www.futuropolis.fr/

(Warren Bismuth)

lundi 11 septembre 2017

Aurélie BÉVIÈRE, Jean-David MORVAN & Gaëlle HERSENT « Sauvage – Biographie de Marie-Angélique Le Blanc, 1712-1775 »


9 Stories Of Feral Children Who Were Raised By Animals

Palpitante BD ! Les auteurs se sont attachés à « ressusciter » une sauvage du XVIIIème siècle dont le parcours a été aujourd’hui en partie effacé, notamment par l’intérêt suscité par les enfants sauvages Victor de l’Aveyron et le célèbre Kaspar HAUSER, bien plus « médiatisés ». Le travail s’annonçait ardu puisqu’il ne reste que peu de traces attestant de la vie de Marie-Angélique selon les auteurs (certaines sources font au contraire état de nombreuses preuves). Quoiqu’il en soit, les deux scénaristes et la dessinatrice se sont appliqués à respecter les pistes existantes. Contrairement à Victor ou Kaspar HAUSER ce n’est pas une enfant qui est trouvée, mais bien une femme d’environ 29 ans (l’imprécision est due à un acte de naissance par la suite falsifié), dans un village de la Marne. Son cas va attiser les conversations et les supputations les plus folles, et des aristocrates vont se l’accaparer, comme souvent en de telles circonstances. Elle va même aller faire un tour dans plusieurs couvents (elle a peur des hommes) mais ne trouve sa place nulle part. Le fait notable est qu’elle va rapidement s’adapter à la vie humaine, sachant lire et écrire, ce malgré son horrible inconfort en présence de ses frères humains (on parlerait aujourd’hui, sans doute en partie à tort, de misanthropie). On apprend qu’elle a vécu 10 années en forêt avec une jeune noire, que ne parlant pas le même langage, elles converseront par signes, bruits et borborygmes. Sa comparse sera assassinée et Marie-Angélique sera même pour un temps accusée du meurtre qu’elle n’a pourtant pas commis. Cette vie est contée avec force détails concernant les dates pour lesquelles des éléments de son existence ont été retrouvés, mais aussi de manière assez onirique et plus légère sur les parties imaginées. Ce qui est sûr, c’est que Marie-Angélique a vu du pays et a pas mal traversé la France. Ses origines sont incertaines selon les auteurs mais paraissent se trouver du côté des Etats-Unis, amérindiennes pour être précis lorsque l’on fait un peu de recherches. Les flashbacks sont nombreux mais n’handicapent pas du tout la lecture. Au contraire, ils permettent de comprendre ce qu’a été ou ce que peut avoir été la sauvageonne. Les dessins réalistes de couleurs surtout pastel sont très crédibles et accompagnent parfaitement le scénario. La BD est épaisse (plus de 200 pages) et se termine par un petit dossier très ludique dont une phrase devrait vous inciter à aller creuser plus loin : « Il était vraiment exceptionnel à cette époque qu’une femme vive seule et qu’elle ne soit ni veuve, ni mère, ni nonne, ni prostituée ».

(Warren Bismuth)

dimanche 10 septembre 2017

Didier DAENINCKX & MAKO « Matin de canicule »



Amazon.fr - Matin de canicule - Mako, Didier Daeninckx ...
C’est au moins la douzième collaboration entre DAENINCKX au stylo et MAKO aux crayons pour un format bande dessinée, autant dire que le duo est bien rôdé. DAENINCKX réécrit, remanie l’une de ses nouvelles de 2007 qui était originellement présente dans le court recueil « Histoire et faux semblants » sorti chez VERDIER. Vincent doit se rendre à Lille pour assister à la remise d’un prix du documentaire animalier où le film dans lequel il a fait équipe a des grandes chances de décrocher le trophée. Sur l’autoroute, une moto qui fonce, une glissade, un vacarme, l’accident. Motocycliste décédé. En état de choc, Vincent quitte urgemment l’autoroute et se retrouve à Montreuil où il a passé son enfance. Là-bas, ce n’est pas du tout ce qu’il imaginait qui va l’attendre. Il va tout d’abord croiser une femme qui ressemble beaucoup à une petite amie qu’il a eue trente ans auparavant. En fait c’est la propre fille de cette ancienne compagne, compagne morte depuis leur liaison. Il va aller de surprises en surprises et son passé va resurgir de manière embarrassante, sans compter que Vincent va nager en plein arbitraire dans une machination. DAENINCKX c’est toujours du solide, même s’il n’a pas donné le meilleur de lui-même dans le présent scénario, quelques grosses ficelles sont visibles au cœur du moteur pourtant huilé. Néanmoins cette BD polar est instructive puisque, grâce à un auteur comme DAENINCKX, on sait que l’on va apprendre des choses qui n’ont rien à voir avec l’enquête, notamment ici quel fut le premier disque de rock français à être pressé, plus diverses autres futilités (donc indispensables) qui rendent l’action vive. MAKO fait un boulot sérieux également au dessin, du réalisme urbain convaincant et expressif qui sied particulièrement à l’énigme imaginée par DAENINCKX, un duo que l’on a toujours plaisir à recroiser au détour de nos lectures. Ce « Matin de canicule » format BD est sorti en 2017 chez EP Éditions.

(Warren Bismuth)

mercredi 6 septembre 2017

Georges SIMENON « Le bourgmestre de Furnes »


Le bourgmestre de Furnes
Jef Claes a mis enceinte son amie Lina qui souhaite avorter. Jef va demander à son patron, le très craint et très influent Joris Terlinck, par ailleurs bourgmestre de Furnes, petite ville de Belgique, de lui prêter l'argent nécessaire. Ce dernier refuse, ce qui provoque la tentative d'assassinat de Jef sur la personne de Lina avant de lui-même se suicider. L'affaire fait grand bruit, Lina, blessée, étant la propre fille de Leonard Van Hamme, ennemi politique acharné du bourgmestre. Van Hamme va d'ailleurs expatrier Lina à Ostende afin de faire taire les commérages. En vain. Terlinck le bourgmestre va jusqu’à aller rendre régulièrement visite à Lina, découvrant une vie nouvelle, parallèle et apaisante. Mais le ver est dans le fruit et les conseillers municipaux de Furnes ne vont pas tarder à grogner alors que la femme de Terlinck se meurt. SIMENON et ses romans durs ! Celui-ci est particulièrement gratiné, froid, malsain, comme insensible dans l'horreur des sentiments. Terlinck étant un personnage au caractère très trempé, fort et craint. Il peut faire penser à des héros russes (SIMENON a beaucoup lu les auteurs russes du XIXème siècle, s'en est fortement imprégné) par sa robustesse et son impression d'insubmersibilité. Les autres figures du roman n'étant pas non plus des secondes frappes sans envergure. L'atmosphère est plus trouble que jamais avec tous ces gens se méprisant, se détestant, s'apostrophant sans hypocrisie, sans préliminaires, l’action naviguant entre Furnes et Ostende. Nous avons là un grand SIMENON à classer aux côtés d'une autre de ses grandes réussites : « Le Président », tous deux explorant l'influence politique de personnages solitaires et imposants. Petit détail qui a son importance : ce « Bourgmestre de Furnes » fut achevé d'écrire le 28 décembre 1938, laissant supposer que pour écrire un tel roman glacial en pleine période de fin d'année, SIMENON devait avoir une sacrée faculté de recul, voire s'ennuyer prodigieusement en famille et trouver le besoin de se retirer. Et cette date nous conforte un peu plus quant à notre point de vue que l'auteur belge a écrit ses meilleurs romans avant 1940.

(Warren Bismuth)

lundi 4 septembre 2017

Henri BOSC « Le jour qui voulut être nuit – 24 août 1572 »


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Mon Dieu ! Une pièce de théâtre en quatre actes consacrée au massacre de la Saint Barthélemy, en alexandrins et en vers de surcroît ! De quoi s’attendre à une relecture hautement soporifique de cet évènement majeur de l’Histoire de France. Que nenni ! La pièce s’ouvre juste après l’attentat dont a été victime l’amiral de COLIGNY, l’un des piliers du protestantisme français et proche du roi, épisode qui va précipiter le massacre de la Saint Barthélemy que je ne vais pas décrire ici puisque nombreux sont les ouvrages, films et autres à l’avoir décortiqué avec talent. Le dernier acte est consacré à la fin de règne du roi CHARLES IX, mourant et regrettant. Cette pièce est documentée et assez vive, elle fut écrite pour les 400 ans dudit massacre en 1972. Les acteurs principaux de l’hécatombe prennent ici la parole pour relater les faits. La faiblesse de caractère, la vulnérabilité de CHARLES IX, sont bien mises en avant. Une pièce à ne peut-être pas lire d’un trait car les alexandrins pourraient devenir indigestes, mais quelques pages quotidiennes donnent un résultat très plaisant et original, et si l’on perd en détails (le format choisi n’est pas le plus simple pour rendre compte d’un tel carnage) on n’est pas escroqués sur la qualité de l’écriture et les faits tels qu’ils se sont produits. Un bien bon boulot. Sorti en 1972 aux Editions LA CAUSE, fondation protestante.


(Warren BISMUTH)

Sébastien JAPRISOT « Compartiment tueurs »


Compartiment Tueurs

Un compartiment dans un train de nuit, six couchettes, six personnes (à moins que ce soit cinq). Des bruissements, chuchotements, une dispute puis un crime. Une dame. Morte. Voilà la trame de départ de ce roman de 1962. Un livre en noir et blanc, tout comme l'adaptation fort talentueuse de l'immense COSTA-GAVRAS. L'intrigue de ce roman est assez complexe, se disperse. Des morts il y en aura, et pourtant ce n'est pas tout à fait un polar. Les personnages sont nombreux, se croisent, se parlent, pas toujours. Certains meurent. Pourquoi ? JAPRISOT brouille les pistes à loisir. Si on a le sentiment de bien suivre la trame dans la première partie, on perd le fil d'Ariane à la longue, jusqu'à se demander si l'on n'a pas malencontreusement glissé dans un autre livre sans l'autorisation de l'auteur. L'atmosphère impeccable est très Simenonienne, mais le style plus détaché, plus pince-sans-rire, rappelant par instants des auteurs et la ligne éditoriale des superbes ÉDITIONS DE MINUIT. Un meurtre c'est bien beau me direz-vous, mais quel est le mobile ? Pas sûr d'avoir bien négocié cette partie du roman, il n'empêche : ce bouquin est un bon cru, peut-être à relire pour éventuellement lever une partie d'un voile recouvrant plusieurs questionnements. Peut-être aussi se retaper le COSTA-GAVRAS malgré cette allure absconse et débraillée (mais quels acteurs sublimes !). Quant au roman il est court, je rajouterai que ce n'est pas lui qui est confus mais mon mince cerveau qui est incapable de défaire les nœuds de l'intrigue. Ce doit être cela que l'on appelle se faire des nœuds au cerveau.

(Warren BISMUTH)